Voici le blog pédagogique de M. Cros.
Vous y trouverez des infos sur l'Antiquité et des pistes pour le latin.

samedi 17 août 2019

Quelle tête avait César ?

La question peut se poser quand on regarde la proposition de reconstitution du visage de César faite par des chercheurs de l’université de Leyde en 2018. En effet, ce visage est à la fois étrange et peu flatteur. César semble avoir une tête énorme, surtout par rapport au visage proprement dit, phénomène accentué par les yeux très rapprochés. Son crâne est déformé, peut-être en raison d’une naissance difficile, au forceps, instrument qui comprime la tête pour forcer la sortie du bébé, à moins que ce ne soit dû à un problème de calcification. Rappelons au passage que César n’est pas né par césarienne, comme le prétend une légende tenace.
Reconstruction faciale par Maja d’Hollosy, Musée national des antiquités de Leyde

Un buste antique de César, sans doute sculpté de son vivant, montre bien les déformations du crâne. Il est appelé le « portrait de Tusculum » puisque c’est dans cette ville qu’il a été découvert en 1825 par Lucien Bonaparte et il est exposé au Musée antique de Turin. Les autres portraits contemporains de César sont les profils sur les pièces de monnaie. Mais par définition, ils sont de toute petite taille et manquent de précision.
Le célèbre "Portrait de Tusculum" représentant Jules César (Musée antique de Turin)
Denier de février 44 à l’effigie de César avec la mention "CAESAR DICTATOR PERPETUO"

On peut remarquer que ces portraits semblent assez différents du buste découvert dans le Rhône en 2008 (voir cet article sur Magister Optimus).
Après la mort de César, ses portraits seront nettement idéalisés. La calvitie diminue très sensiblement, le visage est plus régulier, l’apparence est plus classique.
Buste de César de Chiaramonti,  30-20 av. J.-C., Rome, Musées Vaticans 

Des liens pour aller plus loin :
- Une page du site « Lucius Cornelius Sylla » sur les portraits de César...
- Des précisions sur la reconstitution de l’Université de Leyde...

jeudi 8 août 2019

Chasser, aller aux thermes et jouer...

Voici une inscription découverte à Timgad (Algérie) : venari lavari / ludere ridere / (h)oc{c} est / vivere (CIL VIII, 17938). Elle signifie : « chasser, aller aux bains, jouer, rire, c’est ça, la vie ! » Mais cette inscription au ton nettement épicurien a un secret : c’est en fait un plateau de jeu !
Résultat de recherche d'images pour "venari lavari ludere"
Et quel jeu ? Celui que l’on appelle Ludus Duodecim Scriptorum : le jeu des 12 lettres. Ce jeu est en fait l’ancêtre du trictrac (ou backgammon). Il était très populaire chez les Romains où il est attesté dès 300 av. J.-C. Il se joue à deux joueurs et trois dés. Chaque joueur a 15 pions qu’il doit déplacer sur le plateau (selon le schéma ci-dessous).
On commence par l’inscription centrale. Chaque joueur doit faire entrer ses pions sur le plateau à partir de l’espace qui lui est réservé : l’un des deux mots du milieu (ici : ludere ou ridere). Chaque lettre correspond à une case et le joueur utilise les nombres obtenus par les dés pour faire avancer un, deux ou trois de ses pions.
La stratégie est la suivante : faire entrer tous ses pions sur le jeu (5 tours sont nécessaires) dans l’espace réservé puis les faire avancer en évitant qu’un pion soit seul sur une case (on dit qu’il est « vagus », « débandé »). En effet, dans ce cas, il peut être pris par l’adversaire et le pion retourne à la case départ. On a intérêt à empiler plusieurs pions afin qu’ils soient protégés (« ordinarii » c’est-à-dire « en formation ») et d’occuper le plus de cases contiguës pour bloquer son adversaire. En effet, on ne peut poser un pion là où se trouvent déjà des pions adverses. On rassemble enfin ses pions sur le dernier mot du jeu (ici : vivere) pour les faire sortir.
On connaît de nombreux plateaux de jeu avec des inscriptions diverses mais toujours composées de six mots de six lettres. Ceux qui nous sont parvenus ont été gravés dans la pierre, parfois à même le pavement comme à Timgad.
Duodecim Scripta Gaming Board from a Tavern with a Menu - found between Via Volturno and Via Montebello, Rome - Capitoline Museums, Museo della Civilta Romana, MCR 3574
inscription trouvée à Rome, Museo della Civilta Romana
ABEMUS INCENA Nous avons à manger
PULLUM PISCEM du poulet, du poisson,
PERNAM PAONEM du jambon et du paon

Un autre exemple de plateau, découvert à la Porta Portese à Rome au XIXe s. et qui se trouve au British Museum :
CIRCVS PLENVS Le cirque est comble,
CLAMOR INGENS la clameur est immense,
IANVAE TE[ les portes sont recouvertes (?).