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mardi 7 juin 2011

Brutus et Cassius

Voici maintenant une visite inattendue pour Brutus, c’est son beau-frère Cassius, un homme énergique mais ambitieux et violent. Il s’avance et parle aussitôt, sans détours.
- Tu sais, dit-il, que je t’ai envié lorsque César t’a nommé préteur urbain. Mais laissons cela ! Je veux que notre amitié retrouve sa vigueur d’autrefois.

Brutus, tout heureux de cette réconciliation, lui tend la main et l’assure de son affectueuse estime.
- Alors, je te parlerai franchement, reprend Cassius. On attend des autres préteurs des jeux, des courses ou des chasses. Ce qu’on réclame de toi, c’est que tu rendes à Rome sa liberté.
- Je sais, répond simplement Brutus.
- Tu te souviens sans doute, continue Cassius d’un ton rude, de ce que César nous a dit un jour. Il nous a avoué qu’au cours de sa jeunesse il avait pleuré dans une ville d’Espagne devant la statue d’Alexandre le Grand. « A mon âge, avait-il pensé, il avait conquis le monde et moi je n’ai encore rien fait. » Or aujourd’hui encore il rêve d’Alexandre. Comme lui il se fait proclamer dieu, comme lui, il veut être roi. Allons-nous l’admettre, nous, citoyens romains ?
- Non certes, affirme Brutus d’une voix calme. Nos ancêtres nous ont appris à détester les tyrans et à défendre la liberté comme le plus précieux des biens.

Cassius se rapproche de son ami et le prend familièrement par l’épaule.
- Tout est prêt, dit-il, le Sénat convoqué, la manœuvre mise au point. Au soir des ides de Mars, César sera roi. Et toi, Brutus, que feras-tu ce jour-là ?
- Je n’irai pas au Sénat.
- Mais tu es préteur et tu seras forcé d’être là.
- Alors, je m’opposerai de toutes mes forces à l’infâme projet de César et comme Caton, je me tuerai plutôt que de voir expirer la liberté.

Cassius n’est pas satisfait de cette réponse.
- Te tuer ? dit-il, je sais que la mort ne fait pas peur au sage. Mais ce n’est pas ainsi qu’on sauvera la République. Il faut maintenant agir, lutter ferme et tuer César avant qu’il n’ait fait de nous ses esclaves.
- Ne compte pas sur moi, reprend fermement Brutus. César m’a trouvé dans le camp de Pompée et il m’a fait grâce. Il n’a même pas hésité à me combler d’honneurs. Il me traite comme son fils. Je ne puis oublier tout cela, je ne puis trahir mon bienfaiteur.

Cassius a écouté ces mots avec une vive impatience et il sent la colère monter en lui.
- Ainsi, dit-il en serrant les poings, je vois que César n’a pas perdu son temps avec ses cajoleries et ses prévenances. Mes amis se trompaient en croyant que survivait en toi l’âme ardente de Caton. Te voilà ébloui par le génie du nouvel Alexandre, lâchement résigné et mûr pour l’esclavage.
- Ne m’accable pas.

Cassius maintenant continue avec une éloquence enflammée, convaincante.
- Songe, mon ami , que toute la carrière politique de César n’a été qu’une suite d’illégalités et de violences. Pour arriver au pouvoir, tout lui a été bon. Il a joué au grand seigneur, élégant, ami du plaisir, prodigue, lettré et en même temps, il flattait la canaille, organisait des bagarres au Forum, feignait d’être l’ami du peuple. Tout cela pour préparer la guerre civile et franchir un jour le Rubicon en répétant le vers d’Euripide : « S’il faut violer le droit, que ce soit pour régner ! » Et le voilà qui veut à tout prix sa couronne. Le roi César ! Cela sonne bien, qu’en dis-tu ?

Brutus, à la fin se décide à entrer dans le complot, le salut de la Patrie devant passer avant tout. Cassius comprend qu’il ne reculera plus.

extrait de J. DEFRASNE, Récits tirés de l’histoire de Rome

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