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mercredi 4 octobre 2017

Nabeul : la capitale du garum engloutie par un tsunami

Une équipe conjointe de l’Institut national du patrimoine tunisien (INP) et de l’Université de Sassari-Oristano en Italie a annoncé cet été la découverte d’une cité romaine, Néapolis, sur le littoral tunisien, à quelques encablures de Nabeul. L’expédition a mis au jour vingt hectares de ville antique, submergée par la mer Méditerranée au IVe siècle ap J.-C. C’est une découverte qui a dépassé leurs espérances. L’équipe avait pour objectif de retrouver le port de Néapolis, la partie antique de la ville de Nabeul enfouie sous les eaux.
La mission avait commencé ses travaux en 2010 dans le golfe de Hammamet. Néapolis fut d’abord un comptoir carthaginois évoqué au Ve siècle avant J.-C par l’historien grec Thucydide avant de devenir une colonie de l’Empire romain sous le règne de l’empereur Auguste. Mais c’est seulement cet été et tout près du rivage, à la faveur de très bonnes conditions météorologiques particulièrement favorables aux recherches sous-marines, que les archéologues ont découvert les 20 hectares de vestiges. Sur les images de l’Institut national du patrimoine tunisien, les crevasses entièrement recouvertes d’algues cachent les vestiges de cette cité grecque.

Outre les rues et les monuments sous-marins, les archéologues ont découvert près d’une centaine de cuves de salaisons et de « garum ». Il s’agit du tiers de la cité antique de Néapolis dans laquelle ont été découverts des bassins de macération servant à saler une quantité très importante de poissons, pour produire le garum. Denrée très convoitée par les Romains, cet onéreux condiment est une sorte de sauce à base de poisson dont le goût s’apparente à celui du nuoc-mam vietnamien. Brassé dans ces cuves, l’onéreux garum était ensuite stocké dans des amphores « qui ont été exportées à travers presque toute la Méditerranée et ont dressé des ponts entre les différentes villes » dans la région, explique Mounir Fantar, directeur de la mission archéologique. « Cette découverte nous a permis d’avoir la certitude que Néapolis était un grand centre de production de garum et de salaison, probablement le plus grand centre dans le monde romain. Les notables de Néapolis devaient vraiment leur fortune au garum », ajoute le chercheur. Outre la zone « industrielle », les archéologues ont découvert une ville remarquablement conservée, notamment des monuments tels qu’un temple dédié à Jupiter. Le lien entre la ville découverte et le site archéologique de Néapolis à Nabeul a été confirmé par les chercheurs après avoir découvert des chemins reliant la partie terrestre du site à celle retrouvée sous les eaux de la Méditerranée.

le plan de la ville de Néapolis immergée et émergée

Autre fait non négligeable, cette découverte et l’analyse des premiers vestiges ont permis de confirmer les écrits d’Ammien Marcellin (v.330 - v.395). Cet historien grec racontait alors que la ville avait souffert d’un puissant séisme le 21 juillet 365 après J.-C., et qui a durement touché Alexandrie et la Crète comme de nombreuses cités au bord du bassin méditerranéen. En effet, ce tremblement de terre, qualifié de cosmique par les témoignages de l’époque, aurait causé un tsunami. « La mer quitta le rivage et surprit des villes et d’innombrables gens en Sicile et dans de nombreuses îles », selon la traduction en latin par Jérôme de la Chronique d’Eusèbe de Césarée. Selon un autre historien antique, des navires furent projetés en pleine ville d’Alexandrie, jusque sur le toit des maisons et un bateau avait échoué à plus de deux milles du rivage. Il est désormais établi qu’un tsunami, provoqué par ce séisme, a effacé une partie de la vieille cité. Les contemporains avaient alors dû délocaliser les activités de salaison. « C’est une découverte majeure » car elle vient corroborer des récits datant de l’Antiquité, a expliqué Mounir Fantar. Aujourd’hui, la priorité des archéologues est d’en faire une réserve archéologique. « Le plus important n’est pas de fouiller, mais de conserver, justifie Mounir Fantar. Il s’agit d’une découverte unique qui va pouvoir relancer les recherches archéologiques en Tunisie et en mer Méditerranée de façon générale ».
d’après AFP

exemple de cuves pour la fabrication du garum, ne provenant pas du site de Nabeul

illustrations :
(haut) © Handout / L’institut National du Patrimoine Tunisien (INP) / University Of Sassari / AFP
(milieu et bas) D. R.

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