Voici le blog pédagogique de M. Cros.
Vous y trouverez des infos sur l'Antiquité et des pistes pour le latin.

jeudi 9 avril 2009

La femme de César ne doit pas être soupçonnée


Qui était cette fameuse femme de César ? Laquelle ? puisque César en eut plusieurs. Et qu'a-t-elle bien pu faire pour qu'on la soupçonnât ? Pour le savoir , cliquez ici.

mercredi 1 avril 2009

Visite à Herculanum

L'Université d'Auckland en Nouvelle-Zélande propose une visite virtuelle du site d'Herculanum, l'une des villes détruites lors de l'éruption du Vésuve du 24 août 79.
Il s'agit de panoramas faits à partir de vraies photographies du site actuel.
On peut se promener dans certaines rues, visiter les sites les plus importants (certains fermés au public), entrer dans les maisons, passer de salle en salle, s'approcher des fresques, regarder au plafond...
Un site très bien fait, en anglais, avec le nom des sites en italien.

nécessite QuickTime VR.

dimanche 29 mars 2009

Les grands monuments de Lutèce

Les grands monuments de Lutèce - Premier projet urbain de Paris
La Crypte archéologique du parvis Notre-Dame à Paris abrite jusqu’au 28 février 2011 une exposition présentant le premier projet urbain de Paris, à travers les principaux monuments antiques construits du Ier au IVe siècle de notre ère.

Le visiteur explore les monuments emblématiques de Lutèce : le forum, les thermes, le théâtre et l’amphithéâtre, décrits à la lumière d’études récentes et de documents inédits. Des restitutions en 3D inédites et des dessins d’illustration en détaillent les plans, l’élévation, le décor et en éclairent la fonctionnalité. Une carte permet de localiser précisément chacun de ces monuments au sein de la ville antique et de la ville actuelle : le forum (rue Soufflot), l’amphithéâtre (arènes de Lutèce), le théâtre (rue Racine), les différents thermes (Musée de Cluny, Collège de France, rue Gay-Lussac).
Le parcours restitue la réalité de Lutèce, ville modeste mais aussi capitale régionale influencée par les modèles romains. La crypte archéologique du parvis Notre-Dame invite le promeneur à découvrir, au sein du Paris contemporain, l’héritage de la cité antique qui porte en elle les prémices d’une grande métropole.

voir des images en 3D de l'exposition.

voir aussi le blog du créateur des images 3D.

mercredi 18 mars 2009

Découvrons Corent

La scène se passe en Auvergne. Le nom de cette région française vient du peuple gaulois des Arvernes. L'homme le plus célèbre de ce peuple est bien sûr le jeune prince Vercingétorix (dont le nom signifie "super roi des guerriers"). On pensait jusqu'alors que l'oppidum des Arvernes était Gergovie, où eut lieu la célèbre victoire gauloise en 52 av. J.-C.
Le site de Corent, très proche de Clermont-Ferrand et de Gergovie, était connu depuis longtemps comme un site archéologique, en raison des restes qu'on retrouvait régulièrement. On pensait jusqu'aux fouilles faites en 2005 que c'était un site religieux, un fanum.
On a effectivement retrouvé les restes d'un temple, mais aussi des boutiques et des quartiers d'habitation. Il s'agissait donc d'une vraie ville, datant du IIe siècle av. J.-C. Il pourrait s'agir de Nemossos ("bois sacré") cité dans les sources antiques.
La bataille de Gergovie aurait donc eu pour rôle de protéger cette ville. D'ailleurs, César, dans la Guerre des Gaules, précise que Vercingétorix s'était installé "prae oppidum", en avant de la cité.

voir le site du LUERN *

Pour l'anecdote, Luern signifie "loup" en gaulois. C'était le nom d'un célèbre chef arverne.

mercredi 11 mars 2009

La machine d'Anticythère

Cet objet extraordinaire a été découvert dans une épave antique en 1900 par des pêcheurs d'éponge, à proximité de l'île d'Anticythère, qui, comme son nom l'indique, se trouve en face de l'île de Cythère, entre le Péloponnèse et la Crète.
Il s'agit d'un bloc de morceaux de bronze corrodés qui comporte des engrenages. On a d'abord cru que c'était une vieille horloge de l'époque moderne, jetée en mer et tombée par hasard dans l'épave. On ne pensait pas qu'un tel objet puisse avoir été fabriqué dans l'Antiquité.
Il n'en est rien. Des études plus approfondies ont montré que cet objet était bien antique, mais difficile à étudier car les éléments le constituant sont soudés les uns aux autres par la corrosion. Il n'est pas possible de les séparer sans détruire l'objet.
L'épave dans laquelle on a trouvée cet objet a sombré en -86. On le sait par des monnaies découvertes par le commandant Cousteau. Cette année-là, l'armée romaine reconquiert la Grèce et met la ville de Pergame à sac. Le navire, à destination de Rome, rempli d'objets de valeur, aurait sombré lors d'une tempête. Le mécanisme date donc du tout début du Ier s. av. J.-C., voire du siècle précédent.
Cet objet est très complexe : des engrenages, des roues, des aiguilles, des cadrans gradués comportant des inscriptions astronomiques.
On a pensé que l'objet pouvait venir de Rhodes, île grecque réputée dans l'Antiquité pour ses ingénieurs en mécanismes et automates.
Cet appareil pouvait en effet indiquer les phases de la lune, les positions du soleil, de la lune, et probablement de Mars et Vénus. Il était équipé d'un système permettant de compenser le décalage de l'année solaire (un jour tous les quatre ans, alors que cela n'était pas encore appliqué pour les calendriers). L'appareil servait aussi à prévoir les éclipses et les levers d'étoiles particulières.
Pour prolonger les recherches, on a construit en 2000 un scanner (tomographe) exprès pour cet objet, qui a une précision de 50 microns.
On a découvert de nouvelles inscriptions et un quatrième cadran. Celui-ci indique le cycle des olympiades et d'autres jeux panhelléniques. C'était donc aussi un calendrier. Les inscriptions, dans un style du IIe s. av. J.-C., renvoient aux mois utilisés à Corinthe et dans ses colonies. Toutefois, Rhodes n'est pas une colonie corinthienne. Mais Syracuse, si ! Or c'est la cité d'Archimède, mort lors du siège de sa ville par les Romains en -212 et on sait que deux machines d'un type équivalent avaient été rapportées à Rome après la prise de Syracuse, et que Cicéron avait pu en voir fonctionner une 150 ans plus tard.
On peut donc imaginer que cette machine découle directement de celles fabriquées par Archimède et est un témoignage concret du génie du célèbre savant et inventeur grec.

voir la page consacrée à la machine d'Anticythère sur Wikipédia (la page en anglais est plus à jour et plus complète).

samedi 7 février 2009

Tu quoque mi fili !

"Toi aussi, mon fils !" ou les derniers mots de César mourant, criant à Brutus, qu'il aimait comme son propre fils, sa douloureuse surprise de le voir parmi ses assassins : quoi de plus connu ? Si connu, en fait, que nombre d'entre nous sont encore capables de le dire en latin : tu quoque, fili mi...

D'abord, comme l'indiquent clairement les deux sources qui nous les rapportent, Suétone et Dion Cassius, les ultima verba du dictateur ont été prononcés en grec (καὶ σὺ τέκνον) et non en latin. Du reste, tu quoque, fili mi est impossible en latin classique : filius n'y a pas le sens non génétique (et Brutus n'était pas le fils de César, mais celui d'une vieille maîtresse), et de toute façon "mon fils", "m'fi", se dit gnate, non fili. Mais la formule fili mi, qui réunit commodément deux vocatifs irréguliers de la deuxième déclinaison, avait tout pour séduire les pédagogues modernes ; elle remonte probablement à Lhomond, l'illustre auteur du De Viris.
Est-ce à dire que César agonisant se souvenait de ses études et étalait son érudition ? Nullement. Il ne s'agit pas là d'une citation littéraire en attique classique (on aurait παῖ et non τέκνον, mot surtout hellénistique), mais bien d'une exclamation spontanée émise sous l'empire d'un sentiment violent, et qui amène César à retrouver la langue de son enfance, à savoir, comme pour tous les Romains de la classe supérieure, le grec et non le latin.
Mais il y a plus dérangeant encore pour nos souvenirs d'école. C'est que la tradition longtemps unanime qui voyait dans ces mots un douloureux reproche adressé à un "fils" indigne - c'est aussi dans ce sens que Shakespeare lui fait dire et tu, Brute ? tout aussi célèbre chez les Anglo-Saxons que le tu quoque chez nous - est aujourd'hui abandonnée.
Deux explications, qui d'ailleurs se rejoignent largement, sont maintenant avancées par les spécialistes. L'une part des sources figurées, l'autre des sources littéraires.
J. Russell, relevant des attestations d'un καὶ σύ apotropaïque sur des mosaïques et des bas-reliefs, voit dès lors dans les mots de César mourant l'équivalent du signe "des cornes". Le dictateur trahi ne manifesterait nullement son émotion ou sa surprise. À son "fils" indigne, il laisse pour dernier message : "je t'en souhaite autant, mon garçon !" Avouons que l'explication est non seulement séduisante, mais plus conforme à ce que nous savons du caractère du divin Jules...
P. Arnaud a fourni plus récemment une explication un peu différente, mais qui va dans le même sens, celui de l'expression d'une hostilité et d'une menace. On trouve en effet chez Suétone un parallèle frappant : Auguste aurait dit à Galba enfant, également en grec : "toi aussi, mon fils (καὶ σὺ τέκνον), tu grignoteras une partie de notre pouvoir". Une expression analogue est placée par Dion Cassius dans la bouche de Tibère s'adressant au même Galba. Dans les deux cas, il s'agit donc de prédire à quelqu'un qu'il exercera un jour le pouvoir absolu. Mais ces mots, pleins de paternelle bienveillance de la part d'un empereur assuré de la stabilité de son régime, prennent évidemment une valeur toute différente quand ils sont prononcés par César, fossoyeur du système républicain et assassiné, du moins officiellement, pour cette raison. Dire à Brutus qu'il participera un jour du même type de pouvoir que sa victime, c'est réduire à néant l'image de dernier défenseur de la libertas qu'il veut donner de lui-même, c'est l'accuser d'aspirer au même type de pouvoir qui fait de l'assassinat de César un tyrannicide - et donc annoncer et justifier d'avance la mort violente de Brutus lui-même.
Les derniers mots de César ne devaient donc rien au sentimentalisme - une faiblesse qui avait à vrai dire de quoi surprendre de la part du boucher d'Alésia... Ils contenaient un message précis, en l'occurrence une malédiction.

Michel Dubuisson, Université de Liège (source : http://www.class.ulg.ac.be/ressources/dossiers.html)

illustration : Vincenzo Camuccini, Mort de Jules César, 1798. Museo e Galleria Nazionali di Capodimonte, Naples. © Scala/Art Resource, NY

mardi 3 février 2009

Ave Caesar, morituri te salutant !

"Salut, César (ou Sire), ceux qui vont mourir te saluent." Nul n'ignore que les gladiateurs, à leur entrée dans l'arène, allaient tout droit vers la loge impériale pour s'acquitter de cette indispensable formalité. Un film d'ailleurs excellent, le Gladiator de Ridley Scott, vient encore de le rappeler - la scène y figure même deux fois.
Et pourtant, avant même de se mettre en quête de la source de cette formule, deux détails auraient dû étonner.

1. D'abord ave, en latin, n'est pas un "salut" ou un "bonjour" quelconque (comme salve) ; c'est le salut militaire réglementaire. Et les gladiateurs ne sont évidemment pas des soldats. Un gladiateur même retraité ne pourra d'ailleurs jamais s'engager dans l'armée : la profession qu'il a exercée le marque à jamais d' infamia (à peu près, déchéance des droits civils et politiques).

2. Ensuite et surtout, morituri est absurde : comment ceux qui vont mourir en seraient-ils déjà sûrs ? Ou bien tous sauraient-ils qu'ils vont mourir de toute façon ? Evidemment non : dans un combat singulier, il y a, par définition, un survivant sur deux, et d'ailleurs un gladiateur bien entraîné est un investissement qu'on ne sacrifiera pas à la légère - qu'on chouchoute autant, en fait, qu'un footballeur d'aujourd'hui. Le vaincu obtient donc, en pratique, toujours sa grâce (la venia ) - avec ou sans un geste du pouce, c'est une autre question

La source de la citation vient résoudre ces difficultés, tout en confirmant que la formule est aujourd'hui employée constamment à contresens.

L'empereur Claude, dont le règne fut marqué par de grands travaux, comme l'agrandissement du port d'Ostie, fit également assécher le lac Fucin. Une fois réalisé le canal qui devait permettre l'écoulement définitif des eaux, il y eut une cérémonie que Claude décida d'immortaliser par un spectacle mémorable : une naumachie, c'est-à-dire un combat naval en réel. La chose en soi n'était pas nouvelle : César et Auguste avaient déjà offert au peuple ce genre de divertissement, que les Flaviens organiseront au Colisée. Mais sur un vrai lac, c'était évidemment autre chose Qui étaient les figurants ? Non pas des gladiateurs, évidemment, mais des soldats et des marins de la flotte, de toute façon condamnés à mort pour désobéissance ou toute autre faute de service, et auxquels on avait réservé un mode d'exécution original et spectaculaire. Leur adresse à l'empereur était donc parfaitement naturelle. Ce qui le fut moins, et qui déclencha même un incident - c'est pour cette raison, en réalité, que Suétone s'y étend -, c'est que Claude, qui n'était évidemment pas censé leur répondre, marmonna de son habituelle voix indistincte (dont Juvénal, avec sa gentillesse habituelle, dit qu'elle faisait songer à celle d'un veau marin, c'est-à-dire un phoque) quelque chose que les soldats comprirent aut non : "ou bien non, peut-être pas". Pour la suite, il faut laisser la parole à Suétone. "A ces mots, puisqu'il leur avait fait grâce, plus aucun ne voulut combattre. Alors il fut longtemps à se demander s'il n'allait pas les exterminer par le fer et par le feu ; il finit par sauter de sa chaise et se mit à courir partout sur les berges du lac, non sans boitiller de façon grotesque, et à force de menaces et d'encouragements il finit par les décider à se battre."

Ave, Caesar, morituri La formule est donc authentique (on serait tenté de dire : pour une fois), mais elle n'a pas du tout la portée qu'on lui donne aujourd'hui : il s'agit d'un épisode bien précis et non d'une règle générale, et qui, de toute façon, n'a rien à voir avec les gladiateurs.

Michel Dubuisson, Université de Liège (source : http://www.class.ulg.ac.be/ressources/dossiers.html)