Voici le blog pédagogique de M. Cros.
Vous y trouverez des infos sur l'Antiquité et des pistes pour le latin.

dimanche 3 mars 2024

Sous l’hôtel de luxe, du blé gratuit

 Grande découverte annoncée à la fin du mois de février par la surintendance des biens archéologiques de Rome : on a retrouvé des restes d’un mur de la Porticus Minucia pendant la restructuration d’un hôtel cinq étoiles rue des Boutiques obscures à Rome.

Ce grand portique restructuré à l’époque de Claude avait d’abord été construit en 107 av. n. è. par Marcus Minucius Rufus grâce au butin qu’il avait fait dans les Balkans en combattant des peuples thraces. Il entourait de tous côtés une grande place au centre de laquelle se trouvait un temple des Nymphes. C’est là que l’on faisait les distributions de blé gratuites. On pense qu’on déposait dans le temple les listes des citoyens de la plèbe frumentaire, ceux qui avaient droit à ces distributions de blé. Cela pourrait expliquer l’incendie criminel qui détruisit le temple au Ier s. av. n. è. : en effet, on aurait voulu détruire ces listes afin de diminuer le nombre de bénéficiaires.

L’ensemble été entièrement reconstruit sous Claude, empereur qui se préoccupait beaucoup de l’annone, la fourniture de blé à la plèbe. N’oublions pas que ce blé est l’un des deux éléments constituant les besoins du peuple, résumés par l’expression « panem et circenses ».

Les citoyens bénéficiaires touchaient un sac de 35 kg de blé par mois, et recevaient une convocation pour un jour précis et un guichet prévu à l’avance (il y en avait une quarantaine). On estime qu’on distribuait environ 230 tonnes de blé par jour, ce qui suppose une grande organisation. Le Tibre à proximité (à moins de 500 mètres) et des greniers étaient indispensables.

On connaissait ce portique par les restes à l’est de l’area sacra du Largo Argentina (qui sont ceux de la première construction) et les quelques colonnes au sud, rue des Boutiques obscures. On en connait désormais la limite à l’est.

Ci dessous : vidéo de la Surintendance de Rome.


Photos © Soprintendenza Speciale di Roma 

samedi 24 décembre 2022

Découverte de la tombe d’un impresario à Pompéi


Marcus Venerius Secundio était un impresario romain qui produisait des pièces en grec et en latin, et un gardien du temple de Vénus à Pompéi. Marcus était un ancien esclave, qui, après sa libération, s’est appliqué à l’organisation de représentations théâtrales. 
Marcus a vécu au 1er siècle et est probablement né au début de l’ère chrétienne et est mort quelques années avant léruption du Vésuve en 79. L’analyse de ses restes suggère qu’il avait environ 60 ans à sa mort. Ce n’est pas un inconnu complet car son nom figure dans les archives de son contemporain le banquier Caecilius Jucundus. 
Le fait que Marcus a organisé des spectacles en grec est un indice solide que cette langue devait être  accessible au même titre que le latin à cette époque. C’est la première fois qu’on a la preuve que des spectacles dans la langue d’Homère ont été joués à Pompéi.
Les restes de Marcus ont été trouvés au début du mois d’août 2021, dans une tombe spacieuse, qui a été ouverte à la mi-juillet lors de fouilles dans la nécropole de Porta Sarno à Pompéi. 
La tombe se compose dune cellule de 1,6 x 2,4 mètres, dans une enceinte plus grande ; la façade de lenceinte présente des traces de peintures murales montrant des plantes vertes sur fond bleu. Le squelette de Marcus était en bon état. Une petite partie du cuir chevelu avait été momifiée, avec des cheveux blancs et l’oreille gauche encore clairement visibles. On ne sait pas si cette momification est intentionnelle ou naturelle, d’autant que la pratique habituelle des Romains était d’incinérer leurs morts. L’enceinte contenait également deux urnes de crémation, dont une appartenait à une femme nommée Novia Amabilis, ainsi que divers biens funéraires. 

Sur le fronton de la tombe, une plaque commémorative en marbre décrit brièvement Marcus et ses activités. 
MVENERIVSCOLONIAE                                    MARCUS VENERIUS COLONIAE 
LꟾBSECVNDIOAEDITVVS                                 LIBERTUS SECUNDIO AEDITUUS 
VENERIS · AVGVSTÁLISETMIN                      VENERIS AUGUSTĀLIS ET MINISTER 
EÓRVM · HICSOLVSLV́DOSGRAÉCOS            EŌRUM HIC SOLUS LŪDOS GRAÉCOS 
ETLATꟾNOSQVADRIDVODEDIT                      ET LATINOS QUADRIDUO DEDIT
— Texte original (latin) 
Marcus Venerius, de la colonie, un homme libre, Secundio, gardien du temple de Vénus, Augustale et serviteur d’entre eux [les Augustales], ici [à Pompéi], seul, joue en grec et le latin pendant quatre jours qu’il a donnés. 
L’équipe archéologique de l’Université de Valence, qui a conduit les fouilles, émet l’hypothèse que Marcus est né en Grèce. Cela pourrait expliquer pourquoi il a produit des représentations théâtrales en grec, et pourrait également expliquer pourquoi ses restes n’ont pas été incinérés. Les Grecs croyaient que la vie après la mort n’était possible que si le corps avait été enterré.

voir la vidéo (en italien)
illustrations tirées de Pompeii Sites (Ministère italien de la culture)

lundi 28 février 2022

Un trésor monétaire romain découvert en Bavière


 C’est à Augsbourg, fin 2021, qu’un très important trésor monétaire a été découvert dans le cadre de fouilles préventives, c’est même le plus important jamais découvert en Bavière. Qu’on en juge : près de 5.600 deniers pesant en tout environ 15 kg. Ils remontent aux Ier et IIe siècles de notre ère et montrent de nombreux empereurs romains, depuis Néron (54-68 ap. J.-C.) jusqu’à Septime Sévère (peu après 200 ap. J.-C.). La plupart de ces pièces sont frappées de l’effigie des empereurs Trajan (53-117), Hadrien (76-138), Antonin le Pieux (86-161) et Marc Aurèle (121-180), mais aussi des pièces beaucoup plus rares, comme celles frappées sous Didius Julianus (133-193), qui n’est resté au pouvoir que deux mois avant d’être assassiné.

Rappelons qu’un denier est une pièce en argent qui pèse entre 3 et 4g et qui vaut 4 sesterces dans le système monétaire impérial. Selon Sebastian Gairhos, archéologue de la ville d’Augsbourg, la valeur des pièces d’argent déterrées à Augsbourg « correspondait à 11 années de salaire d’un légionnaire ».

Le trésor aurait été enfoui au début du IIIe siècle pour des raisons inconnues près de la via Claudia Augusta puis aurait été emporté lors d’une crue. Augsbourg (Augusta Vindelicum) était à l’époque la capitale de la province romaine de Rhétie.

Cette découverte n’est pas isolée parce qu’on avait déjà découvert à proximité en juin environ 400 kg d’objets, notamment en bronze, d’un intérêt exceptionnel.


photo ©Andreas Brücklmair

samedi 18 septembre 2021

Bon appétit !

Voilà ce qu’aurait pu dire le tenancier de ce que les archéologues appellent un « thermopolium » et que les Romains nommaient plus simplement caupona. Ces établissements étaient des sortes de fast-foods de l’antiquité. On en trouve à tous les coins de rue, et c’est ici que les Romains prenaient leur repas de midi. 

Les plats sont maintenus au chaud dans des jarres incrustées dans le comptoir, et les analyses ont pu montrer un plat curieux, mélange de chevreau, de poisson, d’escargot et d’oiseau ! Mais aussi du vin, amélioré par une technique particulière : des fèves au fond du récipient devaient en améliorer le goût et l’apparence.

Le comptoir est décoré de magnifiques fresques sur fond jaune aux thèmes variés. On peut y voir une Néréide (nymphe marine) sur un cheval, ainsi que des animaux, en particulier de la volaille et des canards qui devaient être consommés avec du vin ou des boissons chaudes, et aussi un chien.  Sur le bord de cette fresque, on peut voir un graffiti qui dit « Nicia cin[a]ede cacator », ce qui est très insultant pour ce certain Nicias, inconnu par ailleurs, peut-être un affranchi grec, vu son nom.

« L’échoppe semble avoir été fermée à toute hâte et abandonnée par ses propriétaires, mais il est possible que quelqu’un, peut-être l’homme le plus âgé, soit resté et ait péri au cours de la première phase de l’éruption, dans l’effondrement du grenier », explique Massimo Osanna, directeur du site de Pompéi.

Dans le reste du local, on a retrouvé deux squelettes, celui d’un homme d’une cinquantaine d’année et celui d’un autre homme qui tenait encore le couvercle d’un pot dans la main. Peut-on y voir le propriétaire resté dans son commerce pendant l’éruption et un pillard que la mort a trouvé en pleine rapine ?

photos © Luigi Spina / Parc archéologique de Pompéi

dimanche 5 septembre 2021

Découverte exceptionnelle d’un char à Pompéi

Le char, encore en partie dans son bloc de tuf.
« Un grand char de cérémonie à quatre roues, avec ses éléments en fer, de belles décorations en bronze et en étain, des restes de bois minéralisés, des empreintes d’éléments organiques (des cordes aux restes de décorations végétales), a été retrouvé presque intact », indique un communiqué des responsables du parc archéologique de Pompéi.

C’est en effet à Civita Giuliana, à 700 m du site de Pompéi, qu’on a découvert ce char. En 2018, en face du porche où l’on a fait la découverte, on avait fouillé une écurie et trouvé les squelettes de trois chevaux. De là à imaginer que c’est par ces chevaux que le char était tiré...

Le tuf, pierre constituée par les cendres volcaniques qui ont durci, a très bien préservé le char, y compris des fragments de matières végétales qui habituellement disparaissent. Cette découverte est donc très précieuse pour les archéologues, puisque c’est le char romain le mieux conservé connu pour l’instant. En effet, le cerclage des roues et les vestiges de la structure du char apportent de nombreuses informations. Un petit siège avec accoudoirs permettait d’accueillir une ou deux personnes.

Une partie des décorations a été dégagée

A quoi servait-il ? Pas pour faire la guerre ! Il était utilisé dans des cérémonies civiques et des processions, des festivités communautaires et peut-être pour des mariages, si l’on en croit les décorations sur le thème de l’Amour, avec des satyres et des nymphes.



photos © Ministero per i Beni e le Attività Culturali e per il Turismo/Parco Archeologico di Pompei/Luigi Spina

samedi 4 septembre 2021

Le premier smiley de l’histoire ?




Trouvée vers 1604, l’inscription poétiquement nommée RIB 1008 (RIB signifie Roman Inscriptions of Britain) pourrait présenter le premier smiley de l’histoire. En effet, juste au-dessus de l’inscription, on peut voir un visage humain très schématique. Ce genre de signe est tout à fait exceptionnel. On n’en connaît pas d’autres avant l’époque moderne.
Lisons le texte :
VEX LIEG II AVG OF APR 
SVB AGRICOLA OPTIONE
Si on supprime les abréviations, cela donne :
vex(illatio) l{i}eg(ionis) II Aug(ustae) of(ficina) Apr(…) 
sub Agricola optione
L’inscription signifie : Atelier d’Apr(... ?), détachement de la 2e légion Augusta, sous l’autorité d’Agricola, optio.
Précisons qu’un optio est le soldat juste au-dessous du centurion.
Cette inscription est associée à d’autres qui ont été trouvées dans une carrière tout au nord de l’Angleterre.

Lithographie de John Storey


Le Colisée chez vous !

Si construire une maquette de plus de 9000 pièces ne vous fait pas peur, vous pouvez vous lancer dans la reconstitution que propose la firme Lego du Colisée de Rome. La maquette représente le Colisée tel qu’il est aujourd’hui, avec son arène absente qui laisse voir les sous-sols et sa moitié de façade effondrée.

La plupart des pièces sont spécifiques à ce modèle. L’apparence de la façade a bien sur un côté très géométrique, et l’utilisation d’un plastique lisse ne rend pas vraiment l’aspect ancien. 
Ce modèle architectural du Colisée mesure 27 cm de haut, 52 cm de large et 59 cm de profondeur.
Evidemment, rien ne vaut loriginal !